La carrière maritime de Jean SIBOT

6 générations me séparent de Jean SIBOT (1818,1901).

Jean, né à Issoudun en 1818, fait partie de ces ancêtres qui auront eu plusieurs carrières. Après avoir été serrurier (1836), marchand de gaufres (1937), puis s’être engagé dans l’armée (jusqu’en 1844), nous le retrouvons au Havre.

Une nouvelle carrière

Résidant très temporairement au Havre – ville qu’il ne rejoint, en provenance d’Orléans, que pour s’embarquer – c’est en effet le 16 octobre 1846 que Jean s’engage comme novice à bord du Général Teste.

Le 8 novembre 1846, Jean SIBOT part en effet à bord du «Général-Teste » capitaine Morin (Louis Jean Baptiste Morin). Il s’agit d’un trois-mâts baleinier, qui ne transporte aucun passager, et s’absentera de longs mois. Le Général-Teste passera par le Cap de Bonne Espérance, et fera route vers l’Asie, pour pêcher.

Le Général-Teste

Le navire baleinier Général-Teste a été construit en 1846 à Honfleur, et son affrètement a pris quelques semaines. Dès le 15 septembre 1846, un certificat de visite est délivré au Havre, puis, le 31 octobre 1846, quelques jours après que Jean ne se soit engagé, le Général-Teste est muni d’un coffre de médicament et d’une caisse d’instruments de chirurgie.

Le Général-teste a une contenance de 559 tonneaux, et est armé de 2 canons. Il appartient aux Frères Guillot. Nul doute que la traversée sera longue…

Les débarquements, embarquements et désertions des membres d’équipage nous permettent de reconstituer une partie de son parcours.

La traversée et le parcours en mer

Parti du Havre le 8 novembre 1846, le Général-Teste passe donc par le Cap de Bonne Espérance. Il fait ensuite un arrêt à San Carlos du Chili, ce qui est attesté par la désertion de deux marins, Henry Onésule Commien et Michel Dujardin. A nouveau, le 28 février 1847, la désertion de Yves Guyomard nous confirme que le Général-Teste a mouillé dans cette même ville. C’est le 22 avril 1847 que le Général-Teste arrive à Honolulu. Plusieurs embarquements et débarquements de marins ont lieu durant plusieurs jours (entre les 22 et 25 avril 1847).

Le 26 avril 1847, le Général-Teste mouille sur l’île Mowee (actuelle île Maui de l’archipel d’Hawaï). De passage dans le détroit de Georgia à la fin du mois de janvier 1848, le Général-Teste repart sur Honolulu début février 1848, et semble s’y rendre régulièrement puisqu’on l’y retrouve les 5 et 25 mars. En mai 1848, la pêche a lieu dans les actuelles eaux japonaises, à l’est (41 degrés quinze minutes de latitude Nord et 142 degrés 20 minutes de longitude Est de Paris), près d’Hachinohe.

Les approvisionnements à Honolulu restent de mise. Le Général-Teste y est attesté les 20 mai, 2, 6, 13, 15, 16, 21 et 22 septembre 1848. Peut-on considérer que le séjour des marins à terre dure plusieurs jours ? Au mois d’octobre 1848, le Général-Teste accoste à nouveau à Honolulu (les 15 et 25 octobre), mais aussi le 5 novembre, avant de rejoindre Woahon (Oahu) le 16 novembre.

Quoi qu’il en soit, la zone de pêche est alors clairement identifiée comme étant au large d’Hawaï, avec un nouveau séjour prolongé à Honolulu entre le 17 et le 23 novembre 1848.

On ne retrouve ensuite plus trace du Général-Teste qu’au Havre en mai 1849, avant un désarmement le 23 juin de cette même année.

Quelle a été la vie à bord ?

Si nous n’avons aucun écrit de la main de Jean SIBOT sur la vie à bord du Général-Teste, plusieurs écrits, et notamment l’ouvrage de A. Saint Aulaire, intitulé Campagne d’un baleinier autour du monde : croquis et notes d’un officier du bord, et daté de 1850 (les illustrations du présent article en sont extraits), nous apporte de nombreux éléments sur la pêche à la baleine, et l’investissement des membres d’équipage.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65690248/f5.item.texteImage

La vie à bord n’est certes pas facile. La qualifier de rude est plutôt de mise. Le travail en lui-même ne laisse pas de répit, et nul n’est cantonné à une même tâche durant tout son séjour à bord. Il faut imaginer que pour harponner une baleine, plusieurs canots sont mis à la mer, avec 6 marins à bord de chacun d’eux, et ce après que les vigies aient signalé la présence de baleines alentours. Les marins sont alors chargés de lancer leurs harpons, ce qui n’est pas sans danger.

Une fois la baleine tuée, il faut encore la tirer le long du trois-mâts, l’arrimer, et procéder au découpage, avant de faire fondre la graisse pour en retirer de l’huile.

On ne saurait décrire ici les odeurs, la promiscuité, la dure vie à bord dans des conditions on ne peut plus dangereuses, que nous avons même du mal à imaginer.

Pourquoi ce choix ?

La question qui demeure est celle de la raison de l’engagement de Jean SIBOT. C’est en partie grâce au détail du rôle d’équipage que nous comprenons un peu mieux son engagement.

Dans ce document, nous apprenons que Jean a laissé l’adresse de sa mère, résidente à Orléans, et que tous ses gages doivent lui être directement versés. Ce document précise par ailleurs que Jean doit 120 francs-or de l’argent à son bailleur havrais, un certain M. Devaux.

Dans les faits, Jean n’aura donc rien économisé durant son engagement sous les drapeaux, notamment en Algérie. A sa libération au Havre, le 16 mai 1849, après avoir aidé au déchargement du navire, Jean se voit remettre 30 francs-or, ce qui lui permet de rejoindre Orléans, libre de toute dette.

Il se mariera le 11 août de cette même année, mais c’est une autre histoire…

Sources :

Archives Départementales de l’Indre

  • Etat-civil – Issudoun – Registre des naissances – 1818 – 3 E 088/178, page 206

Archives Départementales de Seine-Maritime

  • Port du Havre – Matricule des gens de mer – Novices – Cote 6P5_99, page 225. Matricule 3127
  • Port-du-Havre – Armement et désarmement des bâtiments de commerce – Registre des entrées et de sorties – 1845-1847 – Cote 6P7_43, page 87
  • Port du Havre – Armement et désarmement des bâtiments de commerce – Registre des entrées et de sorties – 1845-1847 – Cote 6P7_148, pages 622 à 654

Archives Municipales du Havre

  • Recensements de Population – 1846 – Quartier du Grand Quai – Cote 3RP170, pages 39 à 44

%d blogueurs aiment cette page :