Si, en généalogie, nous sommes souvent amenés à parler d’actes d’état civil ou paroissiaux, cela constitue la première étape des recherches. Elles permettent principalement d’objectiver les informations relatives à une ascendance.
Dans bien des cas, il peut s’avérer que ces informations, même couplées à d’autres documents (recensements de population, registres matricules..) ne nous permettent pas de remonter suffisamment dans le temps pour comprendre le quotidien de nos ancêtres. Cela est d’autant plus vrai lorsque des sources sont lacunaires.
L’existence d’un contrat de mariage peut débloquer bien des situations, même 3 siècles en arrière.

Dans le cas présent, l’étude du contrat de mariage de mon ancêtre, Jean Baptiste Tinthoin (qui épousera Jeanne Baptiste Françoise Louise Mel), signé en l’étude de Maître Jean Louis Guérin, le 25 février 1748 à Paris, nous apporte de nombreux éléments que nous n’aurions même pas soupçonnés !
Les lieux de vie
Le contrat est signé entre le futur, Jean Baptiste Tinthoin (dont le père est décédé 6 mois avant) et son futur beau-père, Gaspard Mel.
Tous deux Marchands à Paris, ils résident respectivement Rue Aubry le Boucher, rue dépendant de la paroisse Saint-Eustache, et rue Chanverrerie, dépendant de la paroisse Saint-Leu Saint-Gilles.

1716 – Localisation des paroisses Saint-Eustache et Saint-Leu Saint-Gilles, et des rues Aubry-le-Boucher et Chanverrerie
Source : Archives de la ville de Paris – Cote ATLAS 143
Une rapide recherche sur un plan du XVIIIème siècle nous montre la proximité des adresses des contractants, et ce bien qu’ils ne dépendent pas de la même paroisse.
Les parents et amis
Le contrat de mariage décrit tous les parents et amis présents, consentants à l’union. Cela peut permettre de compléter une généalogie, ou de s’interroger sur les liens entre les différents protagonistes.
Pour ne citer que l’époux, il s’agit, du côté de Jean Baptiste Tinthoin (1717-1793) de :
- Pierre Tinthoin, Marchand à Stains, frère
- Thomas Tinthoin, Marchand à Saint-Denis, frère
- Jean Auguste Charles Morillon, Marchand à Villiers-le-Bel, beau frère
- Catherine Madeleine Tinthoin, sœur
- Pierre Philippe Bouché, Maître Chirurgien, cousin germain
- Marie Pierrette Thérèse Rousseau, son épouse
L’on peut ainsi compléter des informations généalogiques déjà détenues, soit les confirmer, et en apprendre davantage sur le parcours de vie de chacun de ces témoins.

Extrait de la descendance de Jean Tinthoin et Denise Lescuyer
Du côté de l’épousée, les témoins sont beaucoup plus nombreux. Les noms et titres occupent deux pleines pages du contrat de mariage, égrainant les sœur, frères, cousins germains et autres intéressés,, ainsi que leurs professions et charges.
L’énumération est impressionnante, enivrante même ! Que d’informations en une seule source ! Que de pistes à explorer !

Une partie des deux pages de signatures…
Le contrat en lui-même prévoit notamment le régime sous lequel sera régie la communauté de vie et de biens des futurs époux, la dot octroyée par les parents de la future, l’apport du futur, les conditions d’usufruit…
Mais au-delà de ces informations, pourquoi autant de témoins ?
L’appartenance à une communauté
L’ouvrage de Mathieu Marraud intitulé De la Ville à l’Etat. La bourgeoisie parisienne, 17e-18e siècle, décrit parfaitement l’importance de la communauté. C’est un ouvrage sur l’histoire sociale qui apporte des clés de lecture sur ce qu’est la bourgeoisie parisienne avant la Révolution.
Chaque communauté, chaque corporation avait ses codes, ses coutumes, mais ceux qui les composaient avaient aussi des droits et des devoirs. Entrer dans une famille, c’était épouser aussi ce que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de réseau.
Toute la famille réunie autour de la signature d’un contrat de mariage atteste de l’importance majeure accordée à cette étape. Le mariage a des conséquences sur les alliances entre les uns et les autres, principalement d’un point de vue professionnel.
Le tableau d’Abraham Bosse illustre parfaitement le rôle central du contrat de mariage. On y voit les quatre parents des futurs époux réunis avec le notaire, qui, lui rédige le contrat. Cela atteste de l’intérêt de « l’affaire » entre deux familles. Dans cette représentation, les futurs époux n’ont pour ainsi dire pas voix au chapitre.

Abraham Bosse, 1633 – Le contrat de mariage
Papier, eau-forte et burin. 25,6 x 32,6 cm. Paris, Musée Carnavalet, G 73
Jean Baptiste Tinthoin se voit ainsi intégré dans une famille professionnelle encore plus large, des alliances vont se forger, il va pouvoir gagner en importance au sein de la bourgeoisie parisienne, ce qui va favoriser une ascension déjà fort bien ancrée à Stains et Saint-Denis, mais à qui il ne manquait plus qu’une entrée dans la capitale…
Bibliographie
– MARRAUD Mathieu De la Ville à l’Etat. La bourgeoisie parisienne, 17e-18e siècle , Paris, 2000
Sources
- Archives Nationales de France : Archives notariales : Etude LII – Cote MC/ET/LII/337