Il y a quelques années de cela, en réalisant des recherches généalogiques sur une vieille dame disparue, je suis allée de surprise en surprise.
La pauvre Emilie, orpheline de mère dès l’âge de 12 ans, rapidement en mésentente avec sa belle-mère, ne tarde pas à quitter le foyer paternel pour aller habiter, avec une amie couturière et tailleuse, comme elle, sur les quais de la ville de Nantes. Nous sommes à la fin du 19ème siècle.

Suivre la vie de Emilie est une succession de rebondissements, de leçons de vie, d’histoires tragiques d’enfants non désirés qu’elle essaie de garder sans en avoir les moyens, et qu’elle se résout à abandonner.

La vie lui réserve néanmoins l’opportunité de rencontrer un étudiant à l’avenir prometteur, avec qui elle aura deux fils. Mais est-ce bien la vie qu’elle aurait voulu ?
A pousser un peu plus les investigations, je découvre que Emilie avait un amant, Jean-Baptiste. Et c’était un amant artiste, qui aimait les belles choses, comme il a dû aimer Emilie, qui était une belle femme, toujours très élégante.
Car l’amant de Emilie était ébéniste. Un ébéniste de talent, qui, à Dinan, créait des meubles à la commande, des meubles bretons typiques, qu’il vendait jusqu’à Paris, pour de riches familles bretonnes exilées loin de leur Bretagne natale..

L’ironie du sort veut que les plans, croquis, courriers de Jean-Baptiste ont été conservés par l’un des fils de Emilie, ainsi que ses chefs d’oeuvre de fin d’études..

Les créations de Jean-Baptiste étaient par ailleurs vendues sur les bords de Rance, à la Vieille Maison, boutique ayant pignon sur rue, composée de deux belles demeures à colombages qui abritent aujourd’hui la capitainerie du port, et un restaurant.

Je ne m’étendrai pas sur la profession, mais tenais à partager avec vous un de ses croquis, que j’ai contemplés pendant des heures, avec ravissement.

La fin de l’histoire est tout aussi tragique qu’à ses débuts.
Au jour de son décès, Emilie, eut à pâtir de l’image que l’on se faisait de sa vie, qui était d’ailleurs l’objet de plusieurs secrets de famille. Enterrée discrètement, il ne fallut pas plus de 5 ans pour que sa dépouille n’aille rejoindre le carré des oubliés, dans la fosse mortuaire du cimetière de Dinan…
Quant à Jean-Baptiste, décédé sans descendance, il lui survit une dizaine d’années et meurt à Léhon, dans l’oubli.
Pour des raisons de confidentialité, la majorité des dates et les patronymes ne sont pas mentionnés.
Belle et triste histoire. Très jolie photo !
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Oui, les histoires familiales ne sont pas toujours gaies. Emilie aura eu de belles années néanmoins.
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C’est triste et en même temps, c’est la réalité de toute une époque… Les « invisibles » comme on a tendance à les appeler, ont aussi beaucoup de choses à nous conter..
Je n’ai pas connu Emilie, mais je l’aime pour ce qu’elle a été : une femme qui a été résiliente, a continué a avancer malgré tout, et qui a assumé ses choix.. après avoir sans doute beaucoup subi ceux des autres..
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