TERRE… BATTUE…

Raymond, du haut de ses 3 ans, ne comprend guère. Le docteur semble exaspéré, alors qu’il n’a rien fait. Il est sagement resté dans le fossé, depuis le matin, à attendre que Nanou ne vienne le chercher. C’est comme ça qu’il fait d’ordinaire. Mais bon, ça va passer. Il a l’habitude, Raymond. Les grands se fâchent, crient, frappent, et reviennent à de meilleurs sentiments. S’il ne mange pas ce soir, il mangera demain…

CHALLENGE A-Z - T comme TERRE BATTUE
27 août 1906 – Déclaration du médecin

Toute sa vie durant, Raymond aura courbé l’échine, accepté les privations, les coups, le manque de soins et d’écoute, le rejet de ses compagnons de tranchée. Mais Raymond, toujours, a eu ce petit quelque chose en plus qui lui a permis d’avancer, malgré tout. Il a même osé inviter Joséphine au bal, et Joséphine, désormais, c’est sa femme !

Raymond est heureux avec Joséphine. Et malgré ses réticences, ses craintes, Raymond acquiesce quand Joséphine lui parle d’avoir un enfant. Un seul. Juste un. Un petit Raymond, lui dit Joséphine, un petit Raymond qui lui rappellera le courage de son Papa.

Alors Raymond consent. Et il ne regrette pas son choix. Il est beau leur petit Raymond. Il est courageux à la tâche. Il apporte beaucoup de petites joies quotidiennes à ses parents, et ils le lui rendent bien.

C’est le petit Raymond, des années plus tard, qui nous raconte tout ça. Oh, le petit Raymond était pudique, il ne nous le conte pas. Il nous l’a écrit, avant de mourir. Il nous écrit les bribes de souvenirs que son propre père a bien voulu lui confier. Il nous parle de l’enfant abandonné, pris en charge par une nounou plus penché sur la bouteille que sur les enfants. Il nous parle de la dureté de ses compagnons de 14-18, qui ne l’acceptent qu’en échange d’une bouteille, qui, à défaut de réchauffer les cœurs, va réchauffer leurs corps… et il nous parle de cette grand-mère prise de remords, qu’il n’a revue qu’une fois, il y a bien longtemps, alors que le petit Raymond avait à peine 5 ans. D’ailleurs, même le petit Raymond s’en souvient.

24 mars 1917 – Courrier de Raymond, père, des tranchées

Oui, il s’en souvient. Très confusément, mais il s’en rappelle. Il s’en rappelle car il n’avait pas compris, ce jour là, pourquoi ses petites jambes ne parvenaient pas à le maintenir debout. Mais maintenant, il sait. Cette grand-mère énigmatique, absente, qui avait elle-même connu des moments difficiles, vivait désormais sur des parquets cirés, alors que le petit Raymond, lui, vivait avec ses parents, sur la terre battue…

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