Une femme morte en déportation : Jacqueline GRÜNER (1907-1945)

Jacqueline Mathilde GRÜNER naît le 7 novembre 1907 à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), à 1 heure 30 du matin, au domicile de ses père et mère, quai Jules Chagot.

Son père, Louis Emmanuel GRÜNER (1879-1944), est alors ingénieur civil des Mines, et sa mère, Marie Edmée WILLM (1879-1943), sans profession. Ses parents ont respectivement 28 et 27 ans.

Acte de naissance de Jacqueline Grüner

C’est l’acte de naissance de Jacqueline qui nous renseigne sur sa fin de vie. La mention marginale en date du 24 mai 1946 précise « Décédée le 22 février 1945 à Ravensbrück (Allemagne) ».

Mais quelle a été la vie de Jacqueline ? Qui était-elle ?

C’est ma passion dévorante… et peut-être aussi un peu envahissante… pour les ouvrages des collections « Bibliothèque Verte et Rose » qui m’a conduit à découvrir Nanine Grüner, car tel est son nom de plume.

Ascendance de Jacqueline Grüner sur 3 générations

Bien que née en Bourgogne, elle quitte rapidement cette région pour Paris, où le changement de situation professionnelle de son père conduit toute la famille. Jacqueline restera néanmoins marquée par son milieu familial et son enfance.

Ses parents, d’origine suisse et surtout alsacienne, gardaient en effet un vif attachement pour le berceau familial, que la famille rejoignait régulièrement.

Les premières vacances se passent dans la vallée de la Bruche, à Rothau, où sa famille paternelle possède une vaste propriété à laquelle Nanine Grüner fera référence dans plusieurs de ses ouvrages. Côté maternel, on privilégie les vacances dans les vieilles maisons bourgeoises de Strasbourg.

A Paris, l’appartement occupé par la famille sur l’avenue de Breteuil a aussi son importance. Les devoirs terminés, les soirées sont bercées de musique ou de lecture…

C’est dans cet environnement serein, entourée de ses cinq frères et sœurs que Jacqueline s’épanouit, et ne tarde pas à écrire ses premiers livres pour Geneviève et Roger, les deux plus jeunes.

Après des études au lycée Victor Duruy, elle part au Canada, se rapproche des milieux littéraires canadiens, et commence à publier des articles, à présenter des ouvrages des principaux écrivains canadiens de langue française. Toutefois, elle ne persévère pas dans cette voie,  et très vite, ses souvenirs d’enfance prennent le dessus : elle se consacrera à la littérature jeunesse.

On la retrouve dans la page enfantine du Figaro, où elle publie des nouvelles, puis elle collabore à la revue Enfants de France, ou encore le journal Benjamin.

Sous le pseudonyme de Marise Willm (patronyme de sa mère), on retrouve ses nouvelles dans La Semaine de Suzette, la revue Demain, Cadet-Revue ou encore Paris-Soir, pour ne citer que ces exemples.

Forte de ces réussites, Nanine GRÜNER publie son premier roman, Isabelle et la porte jaune en 1937, largement inspiré de son enfance parisienne. Ce livre sera récompensé par le second prix de littérature enfantine « Jeunesse ». Il sera réédité en 1953 et 2006. Elle poursuit avec des ouvrages plus légers tels Les Aventures de Gros Bébé, puis L’énigme du trèfle, La maison de l’indienne

Illustration du livre Gros Bébé

Jacqueline a lancé sa carrière d’écrivain. Rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Et pourtant, si. La guerre et l’occupation vont interrompre l’épanouissement de ce talent fait de fraîcheur, d’imagination romanesque et heureuse.

Jacqueline Grüner dans les années 40

Un premier malheur l’accable avec la disparition de sa mère, le 6 février 1943 (Paris 7ème). Peut-on considérer que cette perte va l’inciter à tout donner pour sa liberté, sa ville, son pays ?

Toujours est-il que Jacqueline répond à l’appel d’un ami d’enfance, Guillain de Bénouville, qui raconte très bien, dans son livre Le sacrifice du matin, comment l’appartement de l’avenue de Breteuil, occupé par celle que l’on appelle désormais Juliette, devient un centre de travail et de renseignement de la Résistance.

Jacqueline travaille alors en qualité de secrétaire pour l’avocate Lucile Tinayre, fille de l’écrivain Marcelle Tinayre (1870-1948), et ce jusqu’au 25 mars 1944, date de son arrestation. La vérité aura le dernier mot, d’Henri Nogueres, décrit d’ailleurs cette journée. Juliette n’est pas la seule à être arrêtée puisque sa sœur Christiane et son père le sont aussi, ainsi que Claude Bourdet (1909-1996).

Juliette est conduite au fort de Romainville, camp désormais exclusivement réservé aux femmes en vue de la déportation. Le dernier train qui quittait Paris, le 15 août 1944 l’emmènera en Allemagne, alors que son père (matricule 33517) part de Compiègne dès le 4 juin 1944 pour être dirigé vers Hamburg Neuengamme où il décède le 13 novembre 1944.

Alors que Jacqueline et Christiane ont rejoint Ravensbrück, elles sont aussi envoyées, dès décembre 1944, en camp de représailles à Koenigsberg-sur-Der, où elles travaillent toutes deux à la construction d’une route en forêt, par -30°. Malgré l’épuisement, elles organisent un Noël qui restera, pour les quelques survivants – 29 sur 150 – un souvenir bouleversant.

Vue d’ensemble du camp de Ravensbrück

Mais la dysenterie fait son œuvre. Du fait de l’avancée russe, Jacqueline et Christiane sont ramenées en février 1945 à Ravensbrück. Christiane y décède le 13, et Jacqueline le 22.

Jacqueline Grüner sera élevée au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume.

L’arrêté du 31 mars 1994 portant apposition de la mention « Mort en déportation » mentionne bien les noms de Jacqueline et de son père Louis Emmanuel.

Nul doute que Nanine, comme j’aime à l’appeler, aurait été un écrivain jeunesse prolixe, qui aurait continué à ravir petits et grands, pendant de nombreuses années encore.

Challenge UPRO-G

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