

Café du 9 boulevard des Caillois au 9 boulevard de la Paix, Poissy (1920 et 2019)

Les recherches généalogiques nous amènent parfois à effectuer des recherches que nous n’aurions peut-être pas envisagées. C’est ce qui m’est arrivée en découvrant qu’un de mes ancêtres était décédé à Poissy, en 1906, alors qu’il y était en villégiature. Cette simple mention a suffi à éveiller ma curiosité. C’était donc parti pour une recherche dans une ville que je ne connaissais que de nom… Je souhaitais en effet pouvoir mettre le lieu en image, comprendre l’origine de ce commerce, et mieux cerner l’environnement que fréquenta mon ancêtre au début du 20ème siècle..
Frédéric Augustin Edmond Tinthoin décède en effet le 30 mai 1906 à Poissy, à l’âge de soixante ans. Architecte de métier (du moins, c’est ce qu’il affiche toute sa vie durant), il fait partie de ces bourgeois parisiens aisés qui profitent volontiers des bords de Seine pour s’adonner à la pêche, ou, tout simplement pour profiter de quelque bonne table, après avoir fait une petite balade en barque.C’est ainsi que Frédéric, qui ne possède pas de résidence secondaire, vient régulièrement séjourner à Poissy avec son épouse. Après une vie mondaine sans doute ponctuée de quelques excès, il décède cependant le 30 mai 1906 au 9 boulevard des Caillois, à sept heures du matin.

Et c’est là que mon enquête commence…
Interloquée par le fait que Frédéric ait pu résider au 9 boulevard des Caillois, adresse qui aurait également été son lieu de villégiature, je fais très rapidement des recherches cadastres afin d’identifier le bâtiment érigé à cet endroit.

Cadastre napoléonien : Parcelle 114, section D – Cadastre rénové : Parcelle 240
Je ne tarde pas à avoir confirmation qu’il s’agissait d’une pension de famille, tenue, en 1906, par le couple Depérer (Gustave Dupérer et Marie Colin), mais dont la propriétaire est la veuve François.

Le café / pension, à gauche
Les recherches effectuées dans les fonds iconographiques des archives des Yvelines nous permettent de découvrir une autre carte postale qui présente l’immeuble sous un autre angle (cf. carte postale en début d’ouvrage). Si le store déroulant observé sur la première carte n’a pas été déplié, il est cependant bien en place. Le cafetier est alors Camille Duchamp, que l’on retrouve effectivement dans le recensement de 1911. Il y exerce sa profession en famille avec son épouse Aline, avec qui il a 4 enfants à cette date. On remarquera par ailleurs, au 2ème étage, un occupant qui semble – à voir son habillement – être un locataire du lieu.
La dénomination du commerce s’explique par la présence du bureau de Poste, un peu plus haut dans la rue. Les services de La Poste étaient présents sur la commune dès 1872, mais dans une annexe de la mairie alors située près de la voie ferrée. Avec l’augmentation du trafic postal, les locaux deviennent vite insuffisants. C’est ainsi que le premier véritable bureau de poste s’installe boulevard des Caillois, en 1895, dans un immeuble édifié par l’architecte Théophile Bourgeois. En 1912, le bureau de poste sera finalement transféré rue de Paris. C’est donc bien la configuration de ces anciennes cartes postales qu’a connu Frédéric Tinthoin lors de ses séjours à Poissy.
Mais de quand date ce commerce ? Qui en était propriétaire ?
Le bâtiment est finalement relativement récent, puisqu’érigé au moment de la mutation de la ville de Poissy qui passe à l’ère industrielle.
Les recherches effectuées pour retracer l’histoire de l’immeuble permettent de remonter jusqu’en 1747. Cette année là, les descendants de Germain jean Baptiste Massotin de Laye (1698-1747), Garde des plaisirs de sa Majesté, cèdent des terres labourables à Jeanne Vattier (1713-N.D.). Cette dernière revendra cette terre, le 8 novembre 1757 au couple Lainé, à savoir Marie Louise Darbon et Michel Lainé. Décrire ici tous les propriétaires successifs serait trop long, d’autant que plusieurs successions se succèdent au fil du temps.

C’est finalement Auguste Bezançon (1811-1857), acquéreur en 1856, qui modifie la destination du lieu en y construisant une maison. Cette modification, qui va de pair avec l’essor économique de la ville de Poissy conduit à la modification de l’adresse de la parcelle. Jusqu’alors sise boulevard du Nord, elle se voit attribuer une nouvelle adresse, à la faveur de la création d‘une brèche dans les remparts de la ville. Si Auguste ne voit pas l’achèvement des travaux, sa veuve, Marie Sophie Bourguin, va au terme du projet de son époux qui consiste en l’érection d’un bâtiment à usage d‘habitation constitué d’une porte cochère, ou de magasin, et de 30 ouvertures. C’est exactement la configuration que l’on trouve encore de nos jours. En 1887, l’immeuble est vendu à Antoine François.

De nouvelles modifications de voirie effectuées dans ce quartier voient l’attribution de l’adresse qui nous intéresse. Au décès d’Antoine, sa veuve, conservera l’immeuble jusqu’en 1908. C’est donc elle qui louait le rez-de-chaussée – à savoir le Café de La Poste – au couple Dupérer, exploitants du commerce.

Malheureusement, aucune archive relative à l’exploitation de ce commerce n’a pu être retrouvée. Aucune trace d’un quelconque contrat, d’une quelconque location, notamment dans les baux écrits. Les recherches effectuées par ailleurs dans l’almanach de Saint-Germain-en-Laye pour la période de 1858 à 1906, n’ont pas permis de trouver d’informations quant au commerce situé au rez-de-chaussée.
Tout au plus est-il fait référence – à plusieurs reprises – à une cinquantaine d’aubergistes, dont l’activité était soutenue par l’importance de la réception des bestiaux destinés aux marchés.
La multiplicité des cafés et autres pensions de famille – dont le budget était restreint comparativement aux restaurants pisciacais plus huppés – ne laissait que peu de place à l’insertion d’une quelconque réclame dans ce type de supports. Il resterait toutefois à étudier le contenu de la presse locale ancienne pour espérer y trouver quelque annonce sur la location d’une chambre dans cette petite pension de famille…

Notons par ailleurs que les règles relatives à la location de meublés étant plus souples à Poissy qu’elles ne l’étaient dans d’autres communes, cela peut expliquer que les locations aient pu être effectuées sans que l’on en retrouve trace aux archives départementales.

Quelques archives mobilisées
- AD des Yvelines
- Archives d’état civil, série 4E
- Recensements de population, série 9M
- Table des successions et absences, série 9Q
- Cadastre et foncier, série P
- Publications administratives : Almanach de Saint-Germain-en-Laye, série 5PER
- Fonds iconographiques (plans, cartes postales), série 3Fi
… mais aussi la presse ancienne : BNF Gallica, Retronews
… et de nombreux ouvrages et périodiques :
Ouvrages
- BLIC, Nicole, Poissy et son canton, Yvelines, Comité départemental de pré-inventaire des monuments et richesses d’art, 1976
- Cercle d’Etudes Historiques et Archéologiques de Poissy, Poissy à travers ses rues et ses quartiers
- Cercle d’Etudes Historiques et Archéologiques de Poissy, Poissy, cent ans d’images, Poissy, CEHA, 1988
- NOËL, Narcisse, Poissy et son histoire, Poissy, CEHA, 1976
- HERVIER, Dominique, Poissy : cité d’art, d’histoire et d’industrie, Yvelines, Poissy, APPIF, 2003
Périodiques
- BEAUCARNOT, Jean-Louis, « Le cadastre, plans et registres à explorer », La revue française de généalogie, n°165, 2006, p.43-45
- BOURDIC, Maïwenn, « Les archives de commerce », La revue française de généalogie, n°214, 2014, p.43-47
- DUHAMEL, Martine, « L’histoire d’une maison : une méthode, un exemple », La revue française de généalogie, n°201, 2012, p.41-51
- GONZALEZ, Pierre-Gabriel, « Fichés dans le bottin », La revue française de généalogie, n°169, 2007, p.11-14
- PROVENCE, Myriam, « Reconstituer la mémoire des murs », La revue française de généalogie, n°165, 2006, p.37-42