Pierre François Tinthoin naît le dimanche 28 février 1751 à Paris. Il est le fils de Jean Baptiste Tinthoin (1717-1793), marchand-mercier, et de Jeanne Baptiste Françoise Louise Mel de Saint-Céran (1728-1792). Pierre-François est baptisé le jour même en l’église Saint-Eustache, à Paris.

Après avoir fait ses études avec distinction au collège de Louis-Le-Grand, il entre successivement à la communauté de Laon (dans l’actuel département de l’Aisne) et au séminaire de Saint-Magloire (actuel 5ème arrondissement de Paris), deux maisons d’où sortirent nombre de membres célèbres de l’ancien clergé de France.
Pierre-François est reçu à la maison de Sorbonne en 1774, à la Société de Sorbonne en 1775, puis est promu docteur en 1778. En 1780, il y est nommé professeur de théologie, et eut notamment pour collègues MM. Asseline [1] et de la Hogue, figures reconnues dans le milieu ecclésiastique du XVIIIème siècle.
Déjà, à cette époque, il est l’objet d’attentions. On retrouve, parmi les archives des notaires parisiens, un acte[2] portant constitution de rente[3], émanant du Sieur Sébastien Matthieu Criaré, maître ébéniste à Paris. Les interventions de Pierre-François sont particulièrement suivies.
En 1789, il obtient le titre de chanoine (canonicat) à Saint-Omer (actuel département du Pas-de-Calais).
Faisant suite au Décret du 29 novembre 1791[4], Pierre-François, qui s’oppose à prêter serment de fidélité à la constitution, devient ce que l’on appelle un prêtre réfractaire. Il est déporté.
Le 25 fructidor an II[5], un inventaire après absence[6] est réalisé à son domicile, par les autorités de la Sureté. Elles procèdent à l’annulation de ses lettres de prêtrise. Cet inventaire, qui contenait deux lots de 36 et 38 pièces relatives aux grades ecclésiastiques de Pierre François ont toutes été détruites.

L’Angleterre fut alors le lieu de repli (pour ne pas dire l’asile) de Pierre-François à compter du 19 juillet 1792, et ce durant cinq ans, période à l’issue de laquelle il se rend à Edimbourg. Il passera ensuite quatre années en Ecosse, jusqu’au concordat.
Pendant ces neuf ans de séjour en terre étrangère, Pierre-François, qui, dès les premiers temps de sa prêtrise s’était consacré à la direction des âmes, spécialement au collège du Plessis (ancienne université de Paris, contiguë au collège Louis-le-Grand, dans l’actuel 5ème arrondissement de Paris) était resté placé sous les auspices de la maison de Sorbonne, et continua ce ministère de dévouement auprès des familles françaises expatriées comme lui.
La France le revit en 1801, dès qu’il conçut quelqu’espoir d’y servir la religion, mais aussi parce que sa santé nécessite qu’il puisse bénéficier de traitements plus adaptés, dispensés en France. Le concordat de 1801, signé entre Napoléon Bonaparte et la papauté lui permet en effet de en plus être inquiété. Pierre-François est toutefois placé sous la surveillance du Préfet de Police. Après le dépôt de plusieurs requêtes[7], Pierre-François sollicite la régularisation de sa présence sur le sol français.


Reconnu pour la notoriété de sa vertu, son expérience et ses lumières qui le désignaient pour l’épiscopat, un évêché lui fut proposé. Toutefois, Pierre-François préféra des fonctions plus analogues aux travaux déjà réalisés durant sa vie.
Il fut nommé, dès 1802, curé desservant de l’église des Blancs-Manteaux, à Paris, située rue des Francs-Bourgeois, où naîtra mon grand-père Robert Tinthoin, un siècle plus tard.
Dès sa nomination, Pierre-François s’attache à redonner un peu de lustre à l’église. Le 15 messidor an XI[8], il adresse notamment un courrier[9] au Ministre de l’Intérieur afin que soit rendu à l’édifice une partie de ses ornements. S’il ne sait ce qu’il est advenu des statues qui ornaient le chœur, il souhaite néanmoins pouvoir retrouver la descente de croix, la vierge en pierre et les fonts baptismaux de l’église, qui sont, selon lui, au musée. Il sera d’ailleurs donné une réponse positive à sa demande.
Il reste, en l’église des Blancs Manteaux, une plaque, rappelant les noms des prêtres ayant desservi la paroisse. Il y figure bien sûr.

En 1806, le Cardinal de Belloy le fait Chanoine et Grand Pénitentier de Notre-Dame.
Toutefois, la santé de Pierre-François décline cependant depuis plusieurs années. Il souffre d’asthme et d’une cécité presque entière. Cela ne le freine néanmoins pas dans son dévouement envers ses fidèles. Il fait par ailleurs toujours preuve d’une grande assiduité quant à l’exercice de son ministère.
Pierre-François décède à Paris, dans la nuit du 13 au 14 mai 1826, en son domicile.
Le 23 mai 1826, son codicille est déposé en l’étude de Maître Chapellier [11]. Pierre François y a détaillé par le menu les différentes dispositions qu’il entend prendre, non seulement pour les membres de sa famille, mais aussi pour ses proches, qu’il s’agisse de son médecin personnel ou des personnes à son service. Il réalise également des legs aux archevêques de Paris, au grand séminaire du diocèse et à la caisse diocésaine. Son inventaire après décès[12], quant à lui, nous décrit un homme pourvu de nombreux biens, qui bénéficiait, grâce à ses soutiens, d’une aisance certaine.
Plusieurs ouvrages font référence à Pierre-François Tinthoin qualifié d’homme vénérable.
Il a en outre publié plusieurs ouvrages [13], dont :
– Nouvelle instruction en forme de conférence ou de catéchisme, sur l’état actuel du clergé de France, avec un traité sur le schisme et des règles de conduite pour les vrais fidèles, par un prédicateur de l’Église catholique, Paris, Pichard, 1791
– Exhortation à tous les prêtres et fidèles de l’Église catholique pour les temps de persécution, Paris, Pichard, 1792
– Choix et indication de pieuses lectures à conseiller dans le tribunal de la pénitence, Paris, A. Le Clère, 1814
[1] Jean-René Asseline, né à Paris le 1er avril 1742 et mort à Hartwell en Angleterre le 19 avril 1813, est un évêque et théologien français, qui va symboliser l’opposition aux mesures telles que la Constitution civile du clergé ou les évêques constitutionnels.
[2] Archives nationales – MC/ET/XXVIII 457
[3] Il s’agit d’une rente annuelle de 50 livres
[4] Décret de l’Assemblée législative visant les membres du clergé qui refusaient de prêter serment à la Constitution civile du clergé
[5] 11 septembre 1794
[6] Archives Nationales – T 1668
[7] notamment un courrier du 11 thermidor an IX ( 30 juillet 1801)
[8] 4 juillet 1803
[9] Archives nationales – 20144793321
[10] Photo prise en octobre 2019
[11] Archives Nationales – MC/ET/LIV/1315
[12] Ibid. L’inventaire après décès fait 122 pages.
[13] On trouve par ailleurs, à la Bibliothèque Nationale de France, le discours que prononçât Pierre-François Tinthoin le 18 janvier 1805 lors du convoi de M. Auquetil-Duperron. Cet indianiste et traducteur français, dont Pierre-François était proche, a notamment fait connaître les Upanishads et le Zend-Avesta. Il avait profité d’un engagement en qualité de soldat pour partir avec la Compagnie française des Indes orientales. Durant son séjour, s’immergeant dans la population indienne, il revint en France avec une parfaite connaissance de ses peuples et contrées.