Une concession en Algérie

Nombre de mes ancêtres ont vécu en Algérie, période française, et ce dès 1832. Parmi eux, certains ont rejoint ce territoire dans le but d’y exploiter une concession agricole, et d’en faire vivre leur famille.

Ce fut le cas de Jean Cibot (1818-1901), dont je me propose de vous raconter l’expérience en Algérie.

Natif d’Issoudun (Indre), il épouse, en 1849, Anne Bautin, originaire de Saint-Aoustrille, dans le même département. Ils auront huit enfants entre 1850 et 1866. Après avoir exercé plusieurs métiers en France métropolitaine (serrurier, marchand de gaufres, militaire, marin ou encore peintre en bâtiments), et âgé de quarante-trois ans, Jean rejoint l’Algérie avec son épouse et ses sept aînés. Son intention est de se livrer à la culture du coton, de la garance, de plantes potagères et d’arbres fruitiers.

Un titre provisoire de concession de près de 29 hectares à défricher sur la Route d’Arzew au Sig, au sud et à l’est du cantonnement de la tribu des Hamyan el Meltuh lui est octroyé. Il s’installe donc à une dizaine de kilomètres de Saint-Leu (devenue Bethioua), à la lisère de la forêt de Mouley Ismael. Ce boisement de 10.000 hectares est très giboyeux (gazelles, lièvres, lapins de garennes, perdrix rouges et palombes), ce qui lui permet d’assurer la subsistance de l’ensemble de la famille.

Localisation de la concession de Jean SIBOT

Pourtant, tout est à faire. Sur les vingt-neuf hectares octroyés, seuls 2 hectares sont en jardins, le reste en palmiers nains.

La famille loge, dans un premier temps, dans un gourbi de branchages et de boue séchée, qu’elle a elle même construit. Leur situation matérielle n’est guère reluisante. Seuls, le courage et les bras de sa femme et de leurs enfants leur permettent de mener à bien leur projet. Tous, ils défrichent, labourent, sèment, après les pluies d’automne, les deux hectares de jardins.

Pour se nourrir durant les premiers mois, outre la chasse, les enfants cueillent des asperges sauvages, des champignons, des artichauts sauvages et autres cœurs de palmiers nains, ou encore des glands de chênes.

En hiver, la famille profite de l’arrêt des travaux agricoles pour faire des charbonnières, extraire de la pierre et du gypse, construire un four à chaux pour en tirer la chaux et le plâtre, nécessaire à leurs constructions. C’est ainsi que petit à petit, la famille fait son nid. Jean construit de ses mains une maison couverte de tuiles. Son titre provisoire de propriété lui est confirmé le 25 mai 1864. Il rachète alors six hectares de terre, ce qui fait de lui un propriétaire terrien.

Habitat typique de l’époque coloniale : ferme et abreuvoir (Archives familiales)

Les récoltes de blé dur, d’orge et d’avoine permettent de nourrir leur maigre troupeau constitué de moutons, chèvres, poules et dindons, troupeau évalué à 3.000 francs en 1874. Leur vie n’est finalement que labeur, et ne leur épargne rien. Ils connaissent des sécheresses, particulièrement en 1867 et 1868, mais malgré tout, le mariage de leur fille Céline en 1871 leur permet d’avoir deux nouveaux bras pour leur exploitation.

Ce répit n’est que de courte durée puisque la ferme subit un tremblement de terre en 1872. Des dégâts irrémédiables les empêchent de l’habiter à nouveau. Mais Jean est persévérant, bien qu’ayant déjà cinquante-trois ans. Il formule une nouvelle demande de concession avec son gendre, Georges Herzog, afin d’obtenir de nouvelles terres cultivables. Cela lui permettrait alors de pallier à l’impossibilité de cultiver une partie des terres précédemment allouées, et d’obtenir des subsides afin de rebâtir leur ferme.

Source : ANOM – Dossier de concession de Jean SIBOT

Cette demande n’aboutira cependant pas. Leur existence devient précaire.

En 1878, la disparition de deux des enfants du couple (Céline et Henri) et de leur petit-fils Henri Herzog voit tous leurs espoirs s’envoler. Le couple vit des heures difficiles.

Après être restés longuement vivre auprès de leurs parents, tour à tour, les autres enfants du couple se marient en 1883 (Anne), 1885 (Victor), 1886 (Pauline), 1888 (Etienne), 1892 (Juliette), et vers 1898 (Gustave). La famille s’éparpille. Juliette, mariée à un métropolitain, part vivre dans l’hexagone.

Anne restera vivre sur les terres qui leur ont été octroyées, près de son fils Gustave qui a lui aussi obtenu une concession en 1884. Jean part vivre à Oran où il meurt, seul, en 1901, âgé de 82 ans.

Son épouse décédera l’année suivante à Tiaret. Elle avait 77 ans

Sources :

  • Archives familiales
  • Archives Nationales d’Outre-Mer (ANOM) – Dossier 3M475
  • BNF, Gallica

Bibliographie :

  • VOGT Jean, AMBRASEYS N. Matériaux relatifs à la sismicité de l’Algérie occidentale au cours de la deuxième moitié du XIXe et au début du XXe siècle. In : Méditerranée, tome 74, 4-1991. pp. 39-45.

2 commentaires sur « Une concession en Algérie »

    1. Bonsoir Laurence,
      je suis ravie de vous avoir fait découvrir quelque chose.
      Il est vrai que lorsque l’on parle de concession, nous pouvons être plutôt amenés à penser cimetière… Comme quoi, chaque mot n’a pas la même résonance en chacun de nous.
      A très bientôt,
      Michèle

      J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :