Charlotte Cordes / Cordé

Hospice de Dinan, 4 frimaire an 12 (26 novembre 1803), une enfant exposée…

Dans la soirée du 3 frimaire an 12, le portier est alerté par un coup de marteau porté à l’entrée de l’hospice. Des cris d’enfants suivent. Il alerte aussitôt la citoyenne Margot et les autres employés de l’hospice, avant de trouver, devant la porte, une enfant, sans personne d’autre aux environs.

Procès verbal d’exposition – Archives de l’hôpital de Dinan

Le lendemain matin, comme cela est l’usage, les services de police sont prévenus. Le commissaire, Christophe Le Harivel se déplace en personne, et, accompagné du citoyen Lefèvre, officier de santé de l’hospice, il constate les faits, ce qui nous apporte des précisions quant à la vêture de l’enfant. Cette dernière est enveloppée dans un mauvais morceau de flanelle grise et porte un bonnet, sans qu’aucun de ces effets ne porte de marque distinctive. Elle a deux ou trois jours.

Ce sont ces constatations qui permettent alors d’établir l’acte d’état civil auprès de la mairie de Dinan.

Dans le cas présent, l’enfant n’aura pas été déposée dans le tour, mais à la porte même de l’hospice. Le tour n’existe en effet pas encore officiellement, l’Assistance Publique non plus. C’est le décret impérial du 19 janvier 1811 qui institue durablement ce service, et impose aux hospices destinés à l’accueil des enfants trouvés, la pratique du tour, avec pour motif principal la lutte contre l’infanticide..

Extrait du décret impérial de 1811

C’est donc l’administration de l’hospice qui donne à l’enfant ses prénom et nom, se conformant aux prescriptions de la loi du 23 août 1794, et à celle du 1^er avril 1803 qui précise que le prénom doit être en usage dans les différents calendriers et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne.

Le 5 courant, Victor Jacquemin, secrétaire de l’hospice, déclare donc la naissance de Charlotte en mairie. Les actes des enfants exposés sont ajoutés en fin de registre. Ils sont, logiquement, plus courts que les autres, et sans doute peu relus, aussi, puisque Charlotte est déclarée comme étant de sexe masculin, peut-être parce que sur le procès verbal initial c’est ce qui avait été noté…

Acte de naissance de Charlotte Cordé, Archives départementales des Côtes d’Armor

Que devient Charlotte ? Quel est l’avenir immédiat d’un enfant exposé ? Souvent placé le jour même voire le lendemain de son arrivée en famille d’accueil, il sera bien souvent gagé dès l’âge de douze ans, avant de voler de ses propres ailes.

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J’ai été amenée, à plusieurs reprises, à faire des recherches sur des enfants abandonnés, trouvés ou exposés, particulièrement en série X (Assistance Publique) et H (Archives hospitalières).

J’ai plus d’une fois été surprise.

Par les détails contenus dans les archives hospitalières.
Par les demandes de certains parents de se voir rendre leur(s) enfant (s) quelques jours, quelques semaines, mois, voire douze ans plus tard…
Par le parcours de certains jeunes pour lesquels la vie n’a pas été facile mais qui, malgré tout, ont eu un parcours conforme à leurs désirs.
Et puis, plus récemment, il y a eu Victorien, dont j’ai retracé tout le parcours dans ses familles d’accueil successives, dont j’ai suivi la vie de jeune homme puis d’homme, avant de constater qu’il aura accueilli, une fois ses propres enfants devenus adultes, ceux de sa fille et de sa belle-fille, devenues filles mères. Sans doute pour faire un pied de nez au destin…

Sources :
– Archives de l’hôpital de Dinan
– Archives départementales des Côtes d’Armor

Bibliographie :
– DUVERGIER, J.B., Collection complète des lois, décrets d’intérêt général, traités internationaux […], A. Guyot et Scribe, Paris, 1836
– LE BOULANGER, Isabelle, L’abandon d’enfants, l’exemple des Côtes-du-Nord au XIX^ème siècle, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2011