Gilette Davy, une enfant délaissée…

Le 20 pluviose an 12 (10 février 1804), Christophe Le Harivel, commissaire de police de la ville de Dinan, rédige un procès verbal dont l’objectif est d’alerter les administrateurs de l’hospice sur la situation de Julienne, une fillette de trois ans et demi. Selon les éléments collectés, trois ans plus tôt, le père de Julienne est supplicié à Saint-Brieuc. Son épouse quitte alors le département pour retourner en Vendée, où elle habitait précédemment, laissant Gilette chez René Lehoux.
On peut, à ce stade, se poser par ailleurs quelques questions quant à l’identité de l’enfant. Nommée Julienne en début de procès-verbal, elle est ensuite appelée Gilette. Y aurait-il confusion avec la petite Julienne Jeanne Davy, née à Dinan en l’an IX, fille de François ?


Procès verbal du 20 pluviose an 12 – Archives de l’hôpital de Dinan
René Lehoux, tisserand de son état, domicilié rue du Marchix, lui-même marié et père de deux enfants, s’occupe de Gilette durant trois ans, sans aucune contrepartie, et sans recevoir la moindre nouvelle de la mère.
Malheureusement, les temps sont durs. Comme l’attestent Harouard et Le Vavasseur, voisins des Lehoux, l’état d’indigence dans lequel se trouve la famille Lehoux ne laisse plus d’autre choix à René que de se séparer de l’enfant, par ailleurs malade. Gillette est donc admise à l’hospice, mais son état de santé ne lui permet pas d’être placée en nourrice. C’est dans ces lieux qu’elle décèdera le 17 avril 1807, à quatre heures du matin.

Acte de décès de Gilette Davy – Archives départementales des Côtes d’Armor
Son acte de décès est éloquent, rien n’y figure. Ni le nom de ses père et mère, ni ses date et lieu de naissance. Malheureuse enfant elle aura été, malheureuse enfant elle sera restée. On ne saura rien sur ses parents, sur ses éventuels frères et sœurs, sur son lieu de naissance, sur une parenté éventuelle avec un oncle, une aïeule qui aurait pu se charger d’elle. Gillette aura fait partie de ces centaines d’enfants dont le sort aura été dicté par la dureté de la vie que connaissaient alors les plus pauvres.

Les abords de Dinan au XIXème siècle
Et pourtant, n’eut il pas été possible de retrouver sa mère ? De s’assurer de sa filiation ? De s’interroger sur les raisons de son « placement » chez René Lehoux ? Une enquête a pourtant dû être diligentée, même si l’on n’en retrouve nulle trace dans les archives. A moins que la condition de la famille paternelle de Gilette, peut-être connue des services de police, n’ait conduit les forces de l’ordre à privilégier un placement à l’hospice.
Car il se trouve que le 24 thermidor an IX (12 août 1801), à Saint-Brieuc, décède Jean Davy, alors âgé de vingt-cinq ans. Originaire de Dinan, il est tisserand, et décède, à Saint-Brieuc, sur la place de l’égalité, à 10 heures du matin. Les déclarants sont deux gardes de police. Tout porte à croire qu’il s’agit du père supplicié dont il est fait mention dans le procès verbal. Il était de la même génération que René Lehoux (né le 10 juillet 1777 à Dinan) dont il était vraisemblablement proche, ce qui explique que René ait pris en charge Gillette.

Acte de décès de Jean Davy – Archives départementales des Côtes d’Armor
Mais cela reste à objectiver. Encore de belles recherches en perspective, pour les longues soirées d’hiver…
Sources :
– Archives de l’hôpital de Dinan
– Archives départementales des Côtes d’Armor
Pauvre petite vie.
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Oui, effectivement. Mais j’ai toujours espoir, quand je lis ces parcours de vie, que l’enfant ait pu avoir une vie sereine malgré tout…
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