L’anthropométrique concerne, en criminologie, les mesures morphologiques pratiquées sur un individu pour faciliter son identification.

Dès le début du XX^ème, cette pratique est développée pour la police judiciaire. Sa généralisation conduit à pouvoir retrouver, en archives départementales, des carnets, albums photographiques et « cartes d’identité » qui permettent de procéder à une surveillance accrue de certains individus, aux frontières, ou sur le territoire national.

Qui a dit qu’il n’était pas possible de retrouver une description, voire une photo de son ancêtre ?

Cette méthode d’identification s’appuie sur les travaux d’Alphonse Bertillon (1853-1914) qui a travaillé sur ce nouveau procédé d’identification policière. En effet, chargé du classement des fiches signalétiques à la Préfecture de Paris, il va créer ce système pour faciliter le repérage des individus recherchés.

Alphonse Bertillon s’appuie sur 4 éléments que sont les mesures anthropométriques, le descriptif (oral) de l’individu, son signalement photographique et ses éventuels signes distinctifs.

Celui que je vous présente aujourd’hui a été édité à Paris en 1894, et présente, en une quarantaine de pages, sur un support de 21 sur 12 centimètres, pas moins de 182 portraits. Le classement porte sur le sexe, la taille, et la forme de nez des individus. En fin de fascicule, la liste desdits individus est reprise, complétée de 75 sujets (73 hommes et 2 femmes) dont la photographie n’était pas détenue.

Exemple de portraits photographiques masculins

On en arrive à ce tableau synthétique :

Hommes	Jusqu’à 1m64	Nez cave	18
		Nez rectiligne	16
		Nez Vexe	19
	De 1m65 à 1m70	Nez cave	14
		Nez rectiligne	17
		Nez Vexe	19
	Plus d’1m71	Nez cave	18
		Nez rectiligne	18
		Nez Vexe	18
	Portraits non classifiables		16
	Non photographiés		73
Femmes	–	–	9
Femmes	Non photographiées		2
			257

Si je me concentre sur les onze femmes recensées dans ce carnet, 4 d’entre elles sont nées en France (en orange dans la carte ci-dessous). Deux à Paris (Annette Soubrier et Charlotte Vauvelle), une dans le Nord (Julienne Louise Adam), et une dans le Cantal (Antoinette Vazal).

(carte réalisée avec Google Maps)

Les autres femmes sont nées en Allemagne (Caroline Braun), Italie (Ernesta Forti, Marie Zanini, Emma Paveze, Victorine Trucano), Russie (Louise Louis) et Espagne (Louisa Pavon).

Julienne ADAM, Annette SOUBRIER et Antoinette VAZAL

Chacun de ces quatre femmes a son histoire…. mais toutes, elles sont anarchistes… On peut finalement dire qu’elles rêvent de liberté, et refusent de ce fait tout type d’autorité, prônant une égalité dont il est beaucoup question dans notre société actuelle.

Julienne Adam se réfugiera à Londres avec son compagnon Louis Girard, Antoinette Cazal et Annette Soubrier seront inculpées lors du Procès des Trente, et Charlotte Vauvelle, après un passage par Londre, vivra en compagnie de Louise Michel dont on sait que cette dernière fera un séjour au bagne de Nouvelle-Calédonie…

Autant de destins individuels pour un même idéal. Autant de vies qui mériteraient que l’on s’y attarde, ne serait-ce que pour mieux appréhender l’histoire…

Il est à noter que si le document présenté a été consulté en série M, il est également possible de trouver ce type de documents en séries W, Y ou Z.

Notons également qu’à partir de 1912, un carnet anthropométrique sera mis en place pour les populations dites nomades. J’y reviendrai dans quelques semaines…

Sources
– Archives privées, Michèle Bodénès
– Archives de la Ville de Paris
– Archives départementales du Cantal
– Archives départementales des Côtes-d’Armor, cote 4 M 65
– Archives départementales du Nord

Bibliographie
– BERLIÈRE, Jean-Marc. Postface In : Police et migrants : France 1667-1939 [en ligne]. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001

Sitographie
– https://maitron.fr/spip.php?article86280

bodenes.genealogie@orange.fr
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