La multiplication des échanges voit le passeport se développer entre le XVème et le XVIIIème siècle. Ce document officiel permet de rejoindre sans encombre la destination convoitée.
Les premiers passeports ont vu le jour dès le XVème siècle, remplaçant les sauf-conduits alors délivrés aux voyageurs durant le Moyen-Âge.
Louis XIV (1638-1715) généralise l’usage des passe-ports aux Français se rendant à l’étranger (transports par mer).
Sous l’Ancien Régime, le passeport sera un outil utile à la limitation de la migration des artisans qualifiés, et au contrôle des déplacements des vagabonds et indigents, tout en continuant à contrôler les déplacements des voyageurs.
Avec la Révolution française, la suppression des passeports n’est que de courte durée, les troubles rencontrés conduisant à la mise en place des passeports intérieurs pour tout citoyen souhaitant quitter son canton (décret du 10 vendémiaire an IV). Parfois, de simples laissez passer sont établis.
Laissez-passer d’Edouard Wogan – Déplacement entre Dinan et Plancoët, an IX
Les passeports sont particulièrement intéressants pour le généalogiste puisqu’y figure notamment le signalement de l’individu. Il indique aussi la profession et parfois le motif du voyage. Les femmes voyageant seules ont un passeport, les autres figurent sur celui de l’homme qui les accompagne, tout comme les enfants.
Détail du passe-port d’Henry François Quesnet, 1815
C’est à partir de 1807 que Joseph Fouché (1759-1820), ministre de la police, fait adopter un modèle de passeport sur papier à filigrane et encre inaltérable. Il existe également un passeport gratuit pour les indigents, qui bénéficient ainsi d’un secours de route auprès des bureaux de bienfaisance des communes. Tous ces papiers sont visés à chaque étape du trajet.
Les passeports ont aussi bien souvent fait l’objet de trafics, destinés à contourner les obligations qu’ils génèrent…
Marie-Chamand Lavalette, recherché pour usurpation d’identité et vol de passe-port, 1815
Il faudra attendre le XIXème siècle, avec la multiplication des voyages, pour que ces documents intérieurs soient supprimés (1860). Il est alors possible de voyager librement partout en Europe. .. et ce jusqu’en 1914, au déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Qu’allez-vous trouver en archives, qui puissent servir vos recherches généalogiques ?
Si le passeport est bien souvent resté la propriété du demandeur, et, peut, à ce titre, ne plus être consultable, la correspondance associée peut encore faire parler votre ascendant.
Je m’arrête, aux Archives Départementales de Saint-Brieuc, sur la cote 4 M 312. Parmi les archives consultées, je retrouve très vite la trace d’individus d’autres départements voyageant sans autorisations…
Correspondance relative à Louis d’Artois, 1821
… ainsi que les ordres de conduite correspondants, pour l’accompagnement desdits individus sous bonne escorte…
Ordre de conduite de Louis d’Artois, 1821
… voire même leur passe-port pour l’intérieur…
Passe-port pour l’intérieur, Louis d’Artois, 1821
Pensez-vous qu’un de vos ancêtres ait pu solliciter un tel document ?
Si votre ancêtre était marchand, s’il a été amené à se déplacer sur le territoire et au-delà, nul doute qu’il ait eu à se procurer le précieux sésame. Mais ce ne sont bien évidemment pas les seules raisons.
Messieurs Coaridoue et La Bégassière, amnistiés pour faits d’émigration, souhaitent rejoindre l’arrondissement de Dinan pour régler leurs affaires. Un courrier fait état de leur demande.
Demande de visa pour Messieurs Coaridoue et La Bégassière, an XIII
Les passe-ports d’indigents sont aussi forts nombreux, comme ici pour ce qui est de la famille Hamon, composée de Joseph Marie, écrivain, de son épouse Marie Victoire Belletete et leur fille Marie Léonie.
Passe-port d’indigent, famille Hamon, 1858
Ce passe-port, fait mention, comme indiqué plus haut, du trajet suivi par la famille qui bénéficie d’un secours de route durant tout le temps que dure son déplacement, du 17 novembre au 13 décembre 1858.
Cela ne vous tente pas de savoir quels trajets a pu effectuer votre ancêtre ? Vers quelles contrées il a pu souhaiter se rendre. Je suis certaine que vous pourriez être surprise…
Passe-port à l’étranger établi pour M. et Mme Emile Toussaint (de Lannion vers Bâle, Suisse)
Suisse ? Irlande ? « Les colonies » ? De belles découvertes en perspectives…
Sources
– Archives départementales des Côtes-d’Armor, cote 4 M 312
Bibliographie
– John Torpey, L’invention du passeport. Etats, citoyenneté et surveillance, Belin, coll. « Socio-histoire », Paris, 2005
– Noiriel Gérard. Surveiller les déplacements ou identifier les personnes ? Contribution à l’histoire du passeport en France de la Ière à la IIIème République. In: Genèses, 30, 1998. Emigrés, vagabonds, passeports.
Michèle Bodénès, Généalogiste familiale E.I. 